Au moment où s’ouvrent à Dakar les assises nationales, il est important de revenir sur le(s) sens à donner à cette initiative et sur la portée qu’elle pourrait avoir.
Il m’a toujours semblé comme j’ai eu à l’écrire par ailleurs que le boycott des élections législatives par l’opposition dite aujourd’hui significative était une erreur monumentale.
Et dès lors où l’opposition n’est pas représentée à l’Assemblée nationale qui dans une démocratie constitue le lieu par excellence où doivent se faire entendre grâce au débat les diverses tendances qui ne suivent pas la ligne de la majorité, elle est amenée à trouver d’autres terrains d’expression. L’agitation que fait l’opposition à tord ou à raison en sillonnant Mbour, Ziguinchor, Dakar ou Thiès, s’inscrit proprement dans cette perspective. Il convient donc de faire la part des choses dans l’agitation de l’opposition du Front Siggil Sénégal entre ce qui relève de la conjoncture actuelle (un régime complètement en faillite à tous égards) et ce besoin de trouver un théâtre d’expression de la dissidence. Reste que ces assises nationales relèvent à la fois de ces deux aspects : il est vital pour l’opposition de faire entendre sa voix d’autant plus que tout va mal ! C’est ce qui explique que ces assisses présentent un enjeu majeur pour le Front Siggil Sénégal qui l’a bien compris et qui entend relever le défi de la mobilisation en dépit des obstacles du reste non négligeables. Que d’autres organismes de la société civile prennent part à ces assises et que les dirigent d’éminentes personnalités comme Amadou Mactar Mbow (ancien secrétaire général de l’UNESCO) est aussi digne d’intérêt ; c’est le signe ultime lancé aux aveugles et aux sourds pour qu’ils comprennent que les choses ne peuvent continuer comme elles sont et qu’il y a un réel besoin de dialogue. Si tradition démocratique au Sénégal il y a, c’est bien dans ce sillage que s’inscrivent ces assises. Et peu importe que le gouvernement les boycotte. Ce n’est peut-être pas plus mal car cela donne du temps à l’opposition pour se consolider. Le Premier ministre britannique Disraeli disait à juste titre que « nul gouvernement ne peut être vraiment solide sans l’existence d’une opposition redoutable. » Mais cela, le gouvernement ne l’a pas compris quand Farba menace ou que Adjibou met en garde. Encore une fois peu importe, car les leaders de l’opposition ont crié à qui veut les entendre, qu’avec ou sans le pouvoir, les assises se tiendront.
Mais la question centrale reste de savoir si, avec ou sans les dignitaires religieux, ces assises auront la même portée. A vrai dire, c’est en lisant la chronique Lignes Ennemies de Souleymane Jules DIOP de cette semaine que j’ai commencé à percevoir l’importance de cet aspect. Christian COULON, chercheur en sciences politiques et grand connaisseur du Sénégal écrivait que « la société civile sénégalaise est une société civile à base religieuse, reposant sur le rôle prépondérant des confréries soufies ». A titre personnel, je ne suis pas favorable à l’imbrication entre les sphères religieuse et politique, l’une relevant du privé, l’autre du public et de toute façon malgré les écorchures subies depuis l’Alternance, il est encore écrit noir sur blanc à l’article 1er de la Constitution que « La République du Sénégal est laïque ». Cependant on n’a pas besoin d’être grand clerc pour se rendre compte, dans mon cas avec consternation, que les destinées du pouvoir, semblent se jouer entre Touba et Tivaoune, et ce ne sont ni Wade, ni Idy, ni Karim, ni Madické Niang ou encore Macky qui diront le contraire.
Je crains hélas bien que les assises nationales n’aient pas l’effet escompté. Elles relèvent d’une démarche démocratique et louable, mais tout le monde comprend-t-il le langage de la démocratie ?
N-Simel